Et pis Taf

L’adieu de la Mouff’ à Bézu

Obsèques de l’interprète de l’inoubliabla «La queue leu-leu», noctambule incontournable du quartier Mouffetard.

Il y avait foule jeudi, à l’église Saint Médard, paroisse d’André Bézu, figure de la rue Mouffetard, pour rendre un dernier hommage à l’interprète de La queue leu-leu et des Nibards de la mère Françoise. Bézu était là, dans sa boîte en pin vernis avec poignées dorées et ça faisait tout bizarre car cet homme était la plaisanterie même.

Bézu a été découvert par son ami Jean-Claude qui, s’inquiétant de ne pas le voir, l’a découvert mort dans son sommeil. Bézu était froid depuis 72 heures. «Mon frère était seul mais pas solitaire. Il a vécu intensément a souligné, l’aîné des Bézu. Il est mort fauché. Repose en paix petit frère», a-t-il conclu et l’assistance a reniflé car son chagrin était grand.

André était de Tourcoing et aussi de la rue Mouffetard. Du Nord il avait gardé le sens de l’amitié et des harmonies municipales et du Ve arrondissement, un certain goût pour le folklore. Une de ses connaissances se souvient qu’il rentrait au «Piano Vache», un bistrot du quartier, et demandait que l’on fasse silence car il allait interpréter Volga de Francis Lopez. La clientèle disait «Non pitié, pas Volga ! » et André invariablement finissait le couplet dehors, sorti par le fond du pantalon par le patron écarlate. Ses potes ont rappelé quel ami merveilleux il était.

Parmi ses proches on trouvait Phil des Charlots qui a fait une lecture de l’épître. Le père Boudet, curé de la paroisse a dit des mots simples et justes : «Puisse notre frère découvrir l’amour infini de Dieu et à quel point il est aimé de Lui.» Le curé a souligné qu’André possédait «le sens de la fête» mais qu’il était un homme qui, malgré une vie, disons agitée, avait gardé au fond de son cœur les principes de la foi dans laquelle il avait été élevé. André ne possédait rien, sauf « le missel de son enfance ». Missel remis à Hervé Villard qui en fut bouleversé.

Le chanteur, effondré, avait pris place parmi la famille du défunt. Une grande amitié liait les deux hommes. Les dernières années de la vie de Bézu n’étaient pas drôles mais Hervé Villlard, selon un témoin, s’est toujours montré un ami fidèle et généreux.

Il fut bien entendu question des débuts d’André dans le métier du spectacle. «Tu avais commencé ta carrière comme attaché de presse de La Cage aux Folles aux côtés de Jean Poiret et Michel Serrault », a tenu a souligner l’un de ses proches. La carrière de Bézu éclate dans les années 80. Très vite il se spécialise dans le rayon d’esprit chaque soir dans «La Classe» émission phare animée par Fabrice. Ce dernier n’était pas présent à la bénédiction. En revanche Olivier Lejeune, autre figure historique de l’émission de FR3 était bien là . A côté de sa signature sur le registre des condoléances, on pouvait lire celle de Pierrette de la Mouff’ : «Tu es parti dans le soleil. Je ne réparerai plus tes costumes de scène. Adieu André.»

Un rien habillait Bézu. On l’a compris il n’a jamais été l’homme des artifices mais l’homme d’une coiffe : le béret. André était l’homme du clair-obscur. Pas vraiment un gars du matin. Son bureau de travail c’était plutôt les cantines du quartier. Si bien qu’André a toujours fait l’économie des pantoufles vu qu’il était toujours fourré dehors :’ «C’est sûr qu’il n’était pas parti pour finir centenaire ! », a dit un ami très abattu. Son personnage fragile et gai lui allait comme un gant. «C’était un homme d’esprit, un noctambule, ce qui ne facilitait pas le contact avec sa famille», a raconté l’aîné des Bézu .

Forcément car quand Tourcoing s’éveillait la Mouff’ partait se coucher. «Mais André avait sa famille de la rue Mouffetard. Sa famille du spectacle, sa famille d’adoption ! », a souligné le frère. On ne peut pas dire qu’elle se soit déplacée en masse, la famille du spectacle. C’est comme si elle avait rétréci au lavage. Jean Tibéri, accompagné de Xavière, était au premier rang de l’église. Le maire du Ve a été très bien. Il est naturellement revenu sur la carrière d’ André Bézu en rappelant qu’il était passé de la rive droite à la rive gauche et que l’homme avait su faire son trou dans le monde du spectacle : «Nous avons perdu un ami fidèle et dévoué. L’argent ne l’a jamais préoccupé. C’était son quartier et il ne sera plus jamais le même. Il était un grand acteur et un grand chanteur. Adieu l’artiste ! », a dit Jean Tiberi assez secoué.

Bézu n’est plus. Il aimait les farces énormes. Un soir de gala dans son Nord natal, trois campings-car identiques car sont garés sur le parking de la salle des fêtes. La soirée s’éternise. Tout à fait rond notre André s’endort dans celui d’un couple de Hollandais. Ces derniers décampent à l’aube et roulent vers la maison. Pendant ce temps-là son ami Jean-Claude, croyant l’artiste naturellement couché à l’arrière, roule dans la direction opposée pour le gala que Bézu doit donner le soir même. Les Hollandais ne sont jamais expliqués ce que faisait ce petit homme à béret, sentant fort de la bouche, hurlant qu’on l’avait kidnappé. C’était André Bézu, l’homme qui tirait des effets étonnants d’une chanson bête comme choux. Il avait 63 ans, il est parti à tout jamais et la rue Mouffetard le pleure.

Via Libération

3 réflexions sur « Et pis Taf »

  1. D’après mes sources personnelles proches de l’intéressé, le défunt n’a pas vraiment rendu l’âme dans son sommeil, mais bon, faut faire rêver les gens…

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